Proposition de révision de l’article 7bis de la Constitution – Communication de Marc Uyttendaele devant la commission des Affaires institutionnelles du Sénat

La proposition de révision de la Constitution vise à compléter l’article 7bis en y ajoutant la phrase suivante : « Dans l’exercice de leurs compétences respectives, l’État fédéral, les communautés et les régions veillent au bien-être des animaux en tant qu’êtres sensibles ».

Les auteurs de cette proposition justifient ainsi cette initiative : « La présente proposition entend compléter l’article 7bis de la Constitution en précisant que les pouvoirs publics, c’est-à-dire l’État fédéral, les Communautés et les Régions, doivent également veiller au bien-être des animaux. Ce principe serait ainsi ancré dans la Constitution en tant qu’objectif politique. La reconnaissance des animaux en tant qu’êtres sensibles implique que les diverses autorités publiques prennent des mesures de protection appropriées, dans le cadre de leurs compétences respectives. En inscrivant le bien-être des animaux dans l’article 7bis de la Constitution, on indique clairement que l’objectif en question est assigné à toutes les autorités. Cet objectif est ainsi érigé en règle de droit à valeur constitutionnelle, que les autorités concernées ne peuvent donc pas purement et simplement ignorer ».

Il est également précisé que : « Selon la doctrine, l’article 7bis de la Constitution contient une règle juridiquement contraignante. Il s’agit en outre d’une règle ayant une valeur constitutionnelle, ce qui signifie qu’elle occupe le rang le plus élevé dans la hiérarchie des normes de droit. La place qu’une règle occupe dans la hiérarchie des normes peut jouer un rôle dans l’évaluation d’une réglementation subordonnée et dans la mise en balance d’intérêts ».

Il en résulte que « La consécration du bien-être des animaux en tant qu’objectif politique constitutionnel induit fondamentalement deux effets juridiques pour les autorités. D’une part, l’article 7bis de la Constitution renferme ce qu’on appelle une obligation négative, en vertu de laquelle nul ne peut prendre une décision contraire à l’objectif constitutionnel en question. D’autre part, ce même article de la Constitution contient une obligation positive, en vertu de laquelle les différentes autorités doivent, chacune dans sa sphère de compétences, prendre les mesures nécessaires à la réalisation de l’objectif ».

Enfin, « Pour ce qui est du contrôle juridictionnel de cette disposition, force est de constater que le prescrit de l’article 7bis de la Constitution peut jouer un rôle dans le cadre des litiges objectifs, c’est-à-dire les litiges relatifs à la légalité des actes de l’autorité publique sans qu’un droit concret d’une personne déterminée ne soit en cause. Le contrôle du juge ne peut dans ce cas porter que sur l’obligation négative précitée à laquelle les autorités publiques sont soumises. Le fait que l’article 7bis figure sous le titre Ierbis de la Constitution indique qu’il ne fait pas partie de la catégorie des dispositions au regard desquelles la Cour constitutionnelle peut contrôler directement les lois, décrets et ordonnances. Cela ne signifie toutefois pas que l’article en question échappe complètement au pouvoir d’appréciation de la Cour constitutionnelle. L’article 7bis de la Constitution peut s’interpréter comme étant susceptible d’offrir une base d’appréciation pertinente pour la résolution des litiges devant la Cour constitutionnelle ».

La première question qui se pose est de savoir s’il est possible de procéder à la révision constitutionnelle envisagée.

A cette fin, il nous faut consulter la déclaration de révision de la Constitution du 25 avril 2014.

L’article 7bis est ouvert à révision.

Sans doute dans les travaux qui ont précédé la déclaration de révision ne vise-t-on pas expressément la nécessité de veiller au bien-être des animaux.

Toutefois, ceci ne pose aucun problème de nature juridique. Dès lors que l’article 7bis est soumis à révision, le constituant peut le compléter à sa guise. Sans doute, en son état actuel, cette disposition vise le concept de développement durable, mais ceci n’est un obstacle à rien.

Dès lors qu’il est soumis à révision, l’article 7bis est une cuve que le constituant eut remplir à sa guise.

D’une part, rien ne lui interdit d’inclure la protection animale dans la définition qu’il donne du développement durable et dont il est le seul maître.

D’autre part, dès lors que cet article est inséré dans un titre intitulé « Des objectifs de politique générale de la Belgique fédérale, des communautés et des régions », il lui est loisible de définir librement ses objectifs, indépendamment même de la notion de développement durable. Ainsi, pour ne prendre que quelques exemples pris au hasard, l’article 7bis pourrait abriter, en termes d’objectifs politiques, la nécessité de permettre un accès à la justice pour tous, de développer une politique migratoire ouverte et généreuse, de consacrer strictement la primauté de la loi civile sur la loi religieuse, etc.

Tel n’est pas le moindre des paradoxes de la procédure de révision de la Constitution consacrée par son article 195. Le processus est fondé sur la notion d’embûches. Si une disposition constitutionnelle ou un Titre de la Constitution n’a pas été déverrouillé dans la déclaration de révision, le constituant est impuissant. Par contre, il suffit qu’une disposition ou un titre soit soumis à révision pour que les horizons s’élargissent. La règle est fondamentale : le constituant n’est pas lié par les intentions du préconstituant.  S’il est généralement admis que lorsqu’un titre de la Constitution est ouvert à révision dans un but précis, le constituant est tenu par le cadre ainsi tracé. Par contre, lorsque c’est une disposition qui est ouverte à révision, le préconstituant n’a pas le pouvoir de limiter la marge d’appréciation du constituant.

Il s’agit d’ailleurs là d’une exigence démocratique. Il ne serait pas admissible que les pouvoirs du préconstituant fassent l’objet d’une interprétation extensive. Rappelons, en effet, que la déclaration de révision est votée à la majorité simple par des assemblées agonisantes et dont il serait peu admissible qu’elles limitent, au-delà de ce qu’impose le texte de l’article 195 de la Constitution, les pouvoirs des nouvelles chambres qui, avec tonicité, statuent en matière constitutionnelle à la double majorité des deux tiers.

L’enseignement de ce qui précède est clair. Si la question se pose de savoir si la révision constitutionnelle que vous envisagez est juridiquement possible, une réponse affirmative s’impose.

Une deuxième question se pose cependant. Est-il opportun, eu égard à l’architecture générale de la Constitution, à sa lisibilité, à sa cohérence et à sa finalité, d’amplifier le procédé qui a consisté lui inoculer un Titre Ierbis et un article 7bis ?

Une telle démarche a-t-elle un effet utile par rapport à l’objectif poursuivi, à savoir ici la protection des animaux en tant qu’êtres sensibles ?

Il est des matières où « la demi-mesure est une contre-mesure ». La phrase est de Pierre MENDES-FRANCE.

Elle trouve à s’appliquer, à mon sens, au Titre Ierbis et à l’article 7bis de la Constitution.

Lorsque le constituant a voulu consacrer le développement durable dans la Constitution, il a été saisi d’un vertige qui l’a fait vaciller. Soit, il s’abstenait de toute initiative et cela lui serait reproché. Soit, il créait une véritable norme juridiquement contraignante, et sans doute aurait-il alors été plus loin qu’il ne le voulait.

Le choix opéré a consisté dès lors à faire une forme de déclaration d’intention, à définir un objectif, à insinuer un cadre mais sans pour autant opter pour une norme obligatoire et contraignante à part entière.

En effet, le choix de recourir à un titre Ierbis de la Constitution n’est guère innocent.

Le Titre Ier a trait aux grandes caractéristiques de l’État et le Titre II a trait aux Belges et à leurs droits. Ce dernier comprend le catalogue des libertés publiques conférées aux citoyens. Et surtout, car là, est l’essentiel, ces droits et libertés bénéficient d’une protection constitutionnelle dès lors qu’en vertu des articles 1er et 26 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, la Cour constitutionnelle en garantit la protection.

Alors pourquoi intercaler un Titre Ier bis dans la Constitution ?

Les auteurs de l’article 7bis n’ont pas avancé masqués. Ils se sont ainsi exprimés : « Il est important de souligner que l’inclusion dans la Constitution d’un Titre Ierbis vise à créer une nouvelle catégorie de disposition constitutionnelle qui ne doit pas être confondue avec l’actuel Titre II. Il s’agit d’un article dont la portée est celle d’une ligne de conduite qui s’impose aux pouvoirs publics, sans être la source d’un droit subjectif. Par ailleurs, le Titre Ierbis rappelle un devoir collectif de la population belge à l’égard des générations futures, là où le Titre II énonce des droits et des devoirs de chacun ». (Doc. Parl Sén, s.o. 2005-2006, n° 3-1778/1).

Dans le rapport de la commission des Affaires institutionnelles du Sénat, la ratio legis de cette initiative est précisée : « Le texte proposé n’est pas un texte purement politique, il lie les pouvoirs politiques: l’État, les communautés et les régions, les collectivités locales. En plus, le texte lie les collectivités politiques lorsqu’elles agissent à l’intérieur et à l’extérieur. Les pouvoirs publics doivent en d’autres termes tenir compte des objectifs précités. Une des préoccupations du groupe de travail a été d’insérer le développement durable dans l’architecture de la Constitution » (Doc. Parl Sén, s.o. 2005-2006, n° 3-1778/2).

En créant un Titre Ierbis de la Constitution, le constituant a, en effet, créé un nouveau type de dispositions constitutionnelles : les dispositions castrées. Soit des dispositions qui témoignent d’une volonté politique qui ne se traduit pas par des obligations normatives. C’est le monde que l’on espère, mais que l’on n’ose imposer. C’est en quelque sorte le tiroir constitutionnel de la bonne conscience, celui où sont rangés les rêves inaboutis, les voyages que l’on a tant de fois imaginés mais qui jamais ne seront réalité.

Le propos doit sans doute être nuancé. Comme il l’a été indiqué dans les développements de la proposition de révision constitutionnelle, la Cour constitutionnelle, dans son arrêt 75/2011 du 18 mai 2011 a pris en considération l’article 7bis de la Constitution.

La lecture de cet arrêt est édifiante.

Tout d’abord, il faut avoir égard à la manière dont le gouvernement flamand s’est défendu devant la Cour : « Selon le Gouvernement flamand, il ne saurait davantage être question d’une violation de l’article 23 de la Constitution, même si celui-ci devait être lu en combinaison avec l’article 7bis de la Constitution. Cette disposition contient une simple déclaration d’intention, de sorte qu’on ne voit pas comment elle pourrait être violée en l’espèce par le législateur décrétal ».

Quand on sait que le Titre Ierbis de la Constitution est intitulé « Des objectifs de politique générale de la Belgique fédérale, des Communautés et des Régions », on constate d’emblée comment le message est reçu par une composante de la Fédération : une simple déclaration d’intention, fut-elle constitutionnelle, ne provoque chez elle aucun sentiment d’obligation dès lors qu’elle ne peut entraîner une censure directe de la Cour constitutionnelle.

Ensuite, dans cet arrêt, la Cour constitutionnelle a précisé la position qui est la sienne par rapport à cette démarche du constituant. Elle s’est ainsi exprimée : Le juge a quo demande en outre à la Cour de procéder à un contrôle au regard de l’article 23 de la Constitution, combiné avec son article 7bis (…). En vertu de l’article 142, alinéa 2, de la Constitution et de l’article 26, § 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989, la Cour est compétente pour statuer, à titre préjudiciel, sur les questions relatives à la violation par une loi, un décret ou une règle visée à l’article 134 de la Constitution, des règles qui sont établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les compétences respectives de l’État, des communautés et des régions, ou des articles du titre II « Des Belges et de leurs droits » et des articles 170, 172 et 191 de la Constitution, ainsi que sur les questions relatives à tout autre conflit résultant du champ d’application respectif de décrets ou de règles visées à l’article 134 de la Constitution émanant de législateurs distincts. L’article 7bis de la Constitution a été́ inséré́, par la disposition constitutionnelle du 25 avril 2007, dans un nouveau titre Ierbis intitulé « Des objectifs de politique générale de la Belgique fédérale, des communautés et des régions ». La Cour n’est pas compétente pour statuer directement sur la compatibilité́ des dispositions en cause avec cette disposition constitutionnelle ».

Mais d’ajouter : « Rien n’empêche toutefois la Cour de prendre en compte des dispositions constitutionnelles autres que celles au regard desquelles elle exerce son contrôle en vertu de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle ».

Appliquant ces principes au cas qui lui était soumis, elle indique : « La prise en compte de l’article 7bis de la Constitution ne conduit pas à une autre conclusion. Les objectifs d’un développement durable mentionnés dans cette disposition ne peuvent, uniquement sur la base de cette disposition, être déterminés avec la précision requise en vue d’un contrôle juridictionnel, en ce qui concerne la politique de l’aménagement du territoire. En effet, dès lors que cette disposition n’indique pas comment les dimensions « sociale, économique et environnementale » qui y sont liées doivent être mises en balance, l’autorité compétente dispose en la matière d’un pouvoir d’appréciations étendu ».

C’est le verre à moitié vide ou le verre à moitié plein.

Il est à moitié plein parce que la Cour n’ignore pas les rêves du constituant, et est même disposée à en tenir compte.

Mais il est à moitié vide parce qu’elle se refuse à y avoir égard sans qu’ils puissent être raccrochés à une autre disposition dont elle assure le contrôle.

Or, sur le plan théorique, dans la plupart des cas, la disposition à laquelle sera remorquée l’article 7bis aurait suffi à elle seule à justifier la censure de la Cour, preuve s’il en est du caractère superfétatoire, voire décoratif de l’article 7bis.

Et ici, j’évoque le développement durable, et non la protection des animaux. Dans la Constitution, il existe une disposition qui peut servir naturellement de locomotive à laquelle peut être remorqué l’article 7bis dans sa configuration actuelle. Il s’agit de l’article 23 de la Constitution, et notamment de son point 4° qui prévoit « Le droit à la protection d’un environnement sain ».

Par contre, pour ce qui concerne la protection des animaux en tant qu’êtres sensibles, je n’aperçois pas dans la Constitution de disposition qui, si l’initiative ici évoquée aboutit, sera le point d’ancrage du principe que vous envisagez de consacrer constitutionnellement.

Rappelons que la volonté des auteurs de la proposition de révision de la Constitution est double.

Il s’agit, tout d’abord, de créer une obligation négative, soit interdire aux différents législateurs de prendre des normes qui compromettent le bien-être des animaux en tant qu’êtres sensibles. Afin que cette obligation ne reste pas lettre morte, ne soit pas un simple vœu pieu, il convient que la norme législative qui aurait cet effet puisse être censurée, et partant annulée. Seule la Cour constitutionnelle pourrait avoir vocation à assumer pareille mission.

Or il a été relevé déjà que le Titre 1erbis de la Constitution ne faisait pas partie des dispositions dont la Cour assure le respect.

Autrement dit, plus encore que pour le développement durable, la déclaration d’intention que vous souhaitez faire figurer dans l’article 7bis sera juridiquement dépourvue d’effet en droit. Tout au plus pourrait-on imaginer qu’elle puisse être combinée avec des conventions internationales – dont l’analyse sort des limites assignées à cet exposé – mais, dans ce cas, à défaut d’appui dans la Constitution belge, aucune intervention de la Cour constitutionnelle ne se concevrait.

Il s’en déduit que si une législation fédérale, régionale ou communautaire compromet le bien-être animal et qu’elle méconnaît une convention internationale qui a des effets directs dans l’ordre juridique interne, son application pourra être écartée en application de l’article 159 de la Constitution et de la jurisprudence Le Ski par les juridictions de l’ordre judiciaire, et cela sans qu’il soit nécessaire de faire appel à l’article 7bis. Soit une telle législation n’entre pas en contradiction avec un instrument international, et rien n’interdira son application. Dans les deux cas, l’article 7bis nouveau sera inutile.

Si le nouvel article 7bis sera impuissant à garantir le respect de l’obligation négative décrite dans les développements de la proposition de révision constitutionnelle, il sera plus impuissant encore pour garantir le respect de l’obligation positive également évoquée. Il n’existe, en effet, aucun instrument juridique permettant de pallier une éventuelle carence législative et de contraindre un législateur à adopter une norme dans le domaine considéré.

Une troisième question se pose.

Existe-t-il une alternative à une révision de l’article 7bis de la Constitution ?

Il me semble qu’il faille envisager deux logiques cohérentes en fonction de l’objectif réellement poursuivi.

Si celui-ci se limite à la déclaration d’intention, la rationalité constitutionnelle exige une autre approche méthodologique. Car dans l’œuvre constituante, il existe un instrument juridique qui permet de dessiner une philosophie d’action pour les décideurs nationaux. Cet instrument permet de leur assigner des grands objectifs, de déterminer le cadre dans lequel ils doivent inscrire leur action. Cet instrument a une force symbolique puissante. Il s’agit du préambule constitutionnel. Au sens commun, un préambule est un « texte servant d’avant-propos, d’introduction et précédant un plus long développement ». Dans un sens constitutionnel, il peut s’agir également de la « partie préliminaire d’une constitution consistant en une proclamation solennelle des principes fondamentaux de l’organisation sociale ainsi que des droits et libertés des citoyens » (http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/préambule/63282).

L’article 7bis actuel est le propre même de disposition qui doit se trouver naturellement dans un préambule.

Et telle est bien l’absurdité du Titre Ierbis de la Constitution. Il est « préambulaire » si vous me permettez ce néologisme. L’insérer à cet endroit-là dans la Constitution, c’est comme annoncer le lauréat des Oscars avant d’en présenter les nominés, c’est servir l’apéritif en plein milieu du dîner.

Il y a d’autant moins de raison, me semble-t-il, de compléter aujourd’hui l’article 7bis de la Constitution que, certes à la Chambre des représentants, l’idée de doter la Constitution d’un préambule est de plus en plus d’actualité.

Il est possible, sinon probable, que cette faculté soit inscrite dans la prochaine déclaration de révision de la Constitution. La démarche sera d’autant plus fructueuse qu’elle impliquera une réflexion d’ensemble sur les grands principes et les grands objectifs qui doivent être respectés et réalises dans la mise en œuvre des politiques de toutes les composantes de l’État. Ceci paraît plus salutaire et plus constructif que de compléter le Titre Ierbis de dispositions qui sont ajoutées au hasard des initiatives isolées prises par les uns ou par les autres.

Si votre objectif est vraiment d’assurer une protection des animaux en tant qu’êtres sensibles, il faut alors oser l’inclure dans la Constitution dans un autre titre.

La question se pose de savoir lequel.

Naturellement, on songe au Titre II. L’intitulé de celui-ci – « Des Belges et de leurs droits » – risque cependant d’engendrer le débat. En effet, les animaux ne sont pas des Belges au sens constitutionnel du terme. Il serait donc singulier d’assurer la protection des animaux dans un Titre qui concerne les droits et libertés des citoyens. Tout droit, cependant, implique des obligations. Il serait possible de rédiger une disposition constitutionnelle qui consacre tout à la fois le droit des citoyens de détenir et élever des animaux dans les conditions fixées par la loi, le décret ou l’ordonnance et d’imposer aux différents législateurs l’obligation de garantir leur protection. Rien n’interdirait à cette occasion de prévoir qu’en corollaire de ce droit reconnu aux citoyens, le législateur doive prendre des mesures visant à protéger l’ensemble de la gent animale, indépendamment même de la détention et de l’élevage.

A défaut, il conviendrait d’intégrer cette disposition dans un nouveau titre de la Constitution tout en modifiant la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle afin de permettre que celle-ci en garantisse le respect.

* * *

En conclusion, il me semble que l’intégration dans la Constitution d’un Titre Ierbis et de son article 7bis a tout de la fausse bonne idée. C’est une manière de semer la confusion entre ce qui est réellement une règle de droit et ce qui relève d’une vision idéalisée de ce que doit être la société. Une telle confusion est de nature à induire le citoyen en erreur sur les obligations réelles qui pèsent sur les autorités publiques.

En 2007, à mon sens, le Constituant a fait une erreur en faisant du développement une sorte d’objet constitutionnel non identifié. Il devrait, à mon sens, méditer aujourd’hui les sages propos de Ménandre : « δίς ἐξαμαρτανεῖν ταὐτον οὐκ ἀνδρὸς σοφοῦ », Commettre deux fois la même erreur n’est pas le propre d’un homme sage.

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