par Marc Uyttendaele
L’Occident a mal à la démocratie. Partout, la gangrène progresse. Gangrène aux Etats-Unis où est candidat à la Présidence du pays le plus puissant du monde, un pitre aux idées bornées et nauséeuses et qui, même battu – ce qui demeure probable -, comptera un électorat composé de dizaines de millions d’électeurs. Gangrène en France où la candidate de l’extrême droite semble déjà assurée d’être au second tour des présidentielles, où elle est singée par un ancien président de la République et où ceux qui ne se retrouvent pas dans les extrêmes n’ont d’autre choix que d’appeler de leurs vœux l’élection d’un homme de l’extrême centre qui pour séduire prend grand soin de se distancer de l’ensemble du personnel politique. Et en Belgique, me demanderez-vous ? Dans ce pays qui peut se glorifier du vote obligatoire – le citoyen a des droits mais aussi des devoirs – 15 à 20 % des électeurs ne se déplacent plus pour voter ou expriment des suffrages blancs ou nuls. Pire, la poussée de l’extrême droite au nord et de l’extrême gauche au sud révèlent que nombre de citoyens ne profitent pas des élections pour déterminer comment ils veulent être gouvernés. Ils font choix de ces partis qui n’ont aucune vocation à exercer des responsabilités et ce faisant expriment des votes crachats contre tous les partis de gouvernement qu’ils soient dans la majorité ou dans l’opposition. Lorsque le vote n’a plus d’autre finalité que d’exprimer au mieux le désenchantement, au pire le désespoir, c’est le modèle démocratique qui se désagrège. Il n’existe pour contrer ce phénomène aucun remède miracle. Cependant, on est droit d’attendre des différents partis politiques – ces ferments impopulaires sans doute mais vitaux du modèle démocratique – un minimum de tenue et de décence, voire d’exemplarité. Rien n’éloigne plus le citoyen de la chose publique que le sentiment de voir un responsable politique se servir, plutôt que servir. A ce titre Pieter De Crem risque bien d’apparaître, à juste titre, comme le symbole même de la désagrégation du système. Il avait été Vice Premier ministre et au moment de la constitution de l’actuel gouvernement fédéral, son poids politique au sein de son propre parti ne lui permettait pas d’accéder à de véritables responsabilités. Son poids politique, cependant, ne justifiait pas qu’il soit totalement écarté, et cela d’autant plus qu’il n’avait pas la dignité de s’effacer. Il a alors été alors été nommé Secrétaire d’Etat au Commerce extérieur. Vaste farce lorsque l’on sait que la matière du commerce extérieur a quasiment été totalement régionalisée. On aurait tout aussi pu nommer Pieter De Crem comme ministre des brins d’herbe ou comme secrétaire d’Etat à la contemplation des ruines antiques. Peu importe les fonctions pour autant qu’il ait le titre de membre du gouvernement. L’homme, au bout de deux ans, a du être terrassé par l’ennui. Comment meubler ces journées si vides, financées par des deniers publics ? Comme un demandeur d’emploi – qui lui n’a pas le choix – l’homme s’est dit qu’il allait suivre une formation et sans doute préparer sa reconversion. Comme il en a les moyens, il s’est offert Harvard. Comme, à Bruxelles, il ne faisait rien, comme il n’avait rien à faire, il a cru que son absence passerait inaperçue et il s’en est fallu de peu pour que tel soit le cas. Par malheur pour lui, il a du remplacer le ministre des Affaires Etrangères dans un voyage au Japon et l’homme invisible est devenu visible. Le Premier ministre – c’est risible – s’est contenté d’exiger son retour au pays. Finie la formation. Ce n’est évidemment pas son retour qu’il fallait exiger, mais bien au contraire qu’il reste à Harvard après avoir démissionné de son secrétariat d’Etat évanescent. La leçon vaut pour son parti, mais aussi pour tous les autres qui au moment de la formation des gouvernements pour faire plaisir, pour préserver des équilibres, n’ont que trop tendance parfois à confier des ministères sparadraps aux compétences en forme de confettis à tel ou tel qu’il ne faut pas brusquer, qu’il ne faut pas décevoir. Car c’est en adoptant pareilles attitudes que l’on engraisse ce terreau délétère où germent des Donald Trump ou des Marine Le Pen et qui ne fait qu’aggraver la gangrène qui menace la modèle démocratique.