Thèse défendue par Elise Dermine en décembre 2015 sous la direction de la promotrice Pascale Vielle (Université catholique de Louvain)
Depuis le début des années 1990, les pays industrialisés cherchent à promouvoir le retour au travail des allocataires sociaux et multiplient les réformes visant à les « activer ». On observe une tendance lourde au renforcement des obligations liées au travail, pouvant aller jusqu’à l’instauration de programmes de travail obligatoires. L’activation peut également passer par le développement d’aides à la recherche d’emploi, de formations ou de stages professionnels.
La thèse propose une analyse inédite de l’ensemble de ces mesures sous le prisme des droits humains, plus particulièrement du droit au travail. Ces mesures favorisent-elles la réalisation du droit au travail ou constituent-elles une restriction à la liberté de choisir son emploi ?
Pour répondre à cette question, l’auteure procède à une analyse systématique et rigoureuse de la jurisprudence internationale relative au droit au travail. Ce corpus jurisprudentiel, rarement exploité et peu connu des praticiens, se révèle particulièrement fécond, notamment parce que le droit au travail comprend le libre choix de l’emploi et l’interdiction du travail forcé.
L’auteure mène parallèlement une réflexion théorique sur le rôle et le pouvoir d’action des droits humains. Le recours aux droits sociaux se meut, pour l’essentiel, dans une logique défensive des acquis du modèle social. Or, le modèle de l’Etat-providence n’est plus suffisant, depuis la fin des années 70, pour offrir à chacun la possibilité d’exercer un travail librement choisi. Suite aux transformations du contexte social et économique, de nouveaux arrangements institutionnels peinent par ailleurs à émerger. Face à la crise de l’État-providence, l’auteure propose dès lors de se détacher de l’approche défensive et de mobiliser les droits humains comme cadre de discussion, d’apprentissage et de recomposition progressive des politiques sociales (logique transformatrice). Elle combine les apports de deux théories contemporaines, l’expérimentalisme démocratique de Michael Dorf et Charles Sabel et l’approche par les capacités d’Amartya Sen, pour proposer une théorie pratique de la fonction jurisprudentielle, qui reconnecte les droits et le politique, en vue d’assurer une transformation démocratique du modèle social sous l’égide des droits.
La thèse a été publiée, en 2017, aux éditions Bruylant avec une préface d’Olivier De Schutter et de Pascale Vielle.