Dans une première partie, il délimite les contours à donner à la notion de solidarité telle qu’elle est entendue en philosophie politique et en science économique, et sur base de laquelle il fonde le reste de son exposé. Il distingue typologiquement différentes formes de solidarité pour autant que, d’une part, celles-ci soient organisées, soutenues ou coordonnées par les pouvoirs publics et, d’autre part, qu’elles créent une obligation de contribution selon les ressources et un droit à des prestations selon les besoins. La solidarité nationale, la solidarité interrégionale (concept utilisé pour désigner la solidarité entre les différents partenaires de l’État fédéral), la solidarité interpersonnelle (concept qui exprime la solidarité entre les individus) et la solidarité intergénérationnelle (concept mobilisé pour définir la solidarité entre générations) sont autant de déclinaisons du principe de solidarité qui seront définies selon les contributeurs, les bénéficiaires et le but précis du besoin auquel il est tenté de satisfaire. Les pourtours de ces notions sont tracés à partir des racines et des évolutions conceptuelles de l’État social et du fédéralisme.
Dans les deux parties qui suivent, Lucien Rigaux évalue l’applicabilité de ces cadres conceptuels dans les règles qui régissent le financement des pouvoirs publics belges ainsi que dans celles qui mettent en place des régimes de protection sociale entre individus.
Plus précisément, en ce qui concerne la deuxième partie, Lucien se penche sur les mécanismes de financement des différents pouvoirs publics belges. Dans ce cadre, il évalue si la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions qui met en place le ‘mécanisme de solidarité nationale’ (compensation financière accordée à la ou les régions dont la quote-part à l’impôt des personnes physiques est plus faible que sa quote-part dans la population) et des clés de redistribution financière entre les entités fédérées est conforme, et à quel degré, aux exigences découlant du principe de solidarité nationale. Dès lors, il s’agit de constater si le ‘le mécanisme de solidarité nationale’ suffit à tempérer les déséquilibres résultant des transferts traditionnels basés sur ‘la clé de juste retour’, à savoir le financement des entités fédérées au prorata de leurs apports aux revenus provenant de l’impôt des personnes physiques. D’une part, le doctorant tente de voir si l’émergence d’une solidarité horizontale entre entités fédérées ne témoignerait pas de l’insuffisance de ce mécanisme de solidarité nationale, et, d’autre part, si les zones territoriales les plus pauvres ne peuvent pas davantage compter sur une solidarité européenne, à travers des fonds comme le Fond social européen ou le Fonds européen de développement régional, ou sur une solidarité intrarégionale, à travers le financement des communes.
Enfin, la dernière partie de sa thèse consiste à déterminer comment et à quel degré la solidarité interpersonnelle est encore prise en charge par l’État fédéral. Cette analyse se réalise en fonction de la répartition des compétences et, partant, du niveau d’autonomie des entités fédérées dans les matières qui mettent en œuvre le principe de solidarité. En effet, cette perspective d’analyse est intéressante à plusieurs titres. D’abord, parce qu’elle permet de déterminer le niveau de pouvoir compétent pour instituer des dispositifs de protection sociale, ce qui permet de savoir si nous ne sommes pas en train d’assister à un glissement de la solidarité nationale vers des solidarités intrarégionales ou intracommunautaires. Ensuite, parce que le législateur spécial a transféré de nombreuses politiques aux entités fédérées en prenant le soin de réserver certaines compétences à l’autorité fédérale afin que celle-ci fixe des clés de financement ou de répartition dans des politiques sociales, et ce en vue de préserver une union sociale et donc une solidarité nationale (par exemple dans la politique hospitalière ou dans la répartition des médecins). Il s’agit donc d’examiner si ces clés répondent aux exigences du principe de solidarité dont notamment celle selon laquelle les moyens sont distribués en fonction des besoins visés par la politique en cause. Par ailleurs, dans cette dernière partie, Lucien analyse de manière transversale l’influence du droit européen de la concurrence et du droit européen budgétaire sur la mise en œuvre concrète du principe de solidarité dans les différents régimes de protection sociale institués par l’État fédéral et les entités fédérées.