par Marc Uyttendaele
C’était un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. C’était le temps où la N-VA n’existait pas, où l’extrême droite flamande avait les contours nets du Vlaamse Blok avec qui nul n’imaginait frayer. C’était le temps où notre pays était porteur de valeurs. C’était le temps où nous avions voté la loi sur la compétence universelle et où nous rêvions d’être ce lieu où pourraient être jugés tous les crimes contre l’humanité, et cela même si des Belges n’en étaient pas victimes, et cela même s’ils avaient été perpétrés sans lien aucun avec notre territoire … C’était un temps où notre diplomatie était dirigée par un homme de bien, respectable et juste, un homme qui n’avait peur ni des mots, ni des principes. Cet homme, Louis Michel, n’avait pas eu de mots assez durs pour stigmatiser l’arrivée de l’extrême droite dans le gouvernement autrichien. Avec le Portugal et la France, la Belgique avait été le pays le plus en pointe lorsqu’il s’était agi de stigmatiser le réveil de la peste brune en Europe. Louis Michel avait conseillé aux Belges de ne plus aller skier en Autriche. Hervé Hasquin avait suspendu les classes de neige dans ce pays. André Flahaut avait interdit aux militaires de participer à un championnat de ski. Martine Aubry et Laurette Onkelinx avaient refusé de participer aux débats d’un sommet européen quand un ministre autrichien s’exprimait. Bien sûr, la réal politique avait fini par prendre le dessus. Mais les Belges pouvaient être fiers de leurs gouvernants qui avaient oser hisser haut le pavois de l’humanisme. Vingt ans plus tard, un nouveau gouvernement autrichien accueille en son sein des ministres d’extrême droite et nul ne réagit. Information banale. Encéphalogramme plat d’une Europe et de ses États membres qui ont déjà toléré les dérives insoutenables de la Hongrie et qui tout au plus et heureusement, par une sorte de soubresaut salutaire, réagit aux lois liberticides adoptées en Pologne. Mais sur l’Autriche, rien, absolument rien. Et plus rien qui ne vienne du gouvernement belge. Bon sang peut mentir, semble-t-il. L’actuel Premier ministre belge appelle son père : « Papa, Papa… » mais la ligne est coupée. Il n’entend pas le message délivré il y a près de vingt ans par son père. Il ne se souvient pas que celui-ci avait rappelé à un pays entier que libéralisme rimait avec liberté et que tous, pour cela, l’avait respecté. Le fils préside un conseil des ministres muet sur l’Autriche… En cela, certes, il ne se différencie guère des autres gouvernements européens. Mais bien pire, là où au temps de son père, l’on traquait en Belgique tous les crimes contre l’humanité, au temps du fils on s’acoquine avec ceux qui les perpètrent. Un jour, un pays touche le fond. En cette année 2017, tel est le cas de la Belgique. Un secrétaire d’Etat qui s’offusque d’être caricaturé en soldat allemand laisse des fonctionnaires soudanais venir faire leur shopping parmi les réfugiés… Et puis, on apprend, o surprise, que ces hommes, rapatriés de force avec la bénédiction de l’ensemble gouvernement belge, ont été torturés à leur retour dans leur pays d’origine. Et que nous dit notre gouvernement. On va faire une enquête. On va envoyer un agent de liaison au Soudan. On imagine ce qu’il va se passer
- Bonjour, Monsieur l’attaché de liaison,
- Bonjour, je voudrais savoir si vous pratiquez la torture
- Enfin, pour qui nous prenez-vous. Certes notre Président est poursuivi pour génocide et crime contre l’humanité devant le tribunal pénal international, mais il y a méprise, c’est injuste. Nous respections à la lettre les droits de l’homme
- Vous me rassurez, Théo et Charles seront contents. On pourra vous en refaire une livraison au tout début du mois de février…
Que Théo Franken soit l’homme qui provoque des hauts le cœur chez tout démocrate, ce n’est ni nouveau, ni une surprise. Mais que tout un gouvernement composé de libéraux et de sociaux-chrétiens acceptent pareille promiscuité et cautionnent, en se l’appropriant muettement, sa politique, et c’est la nausée qui nous submerge. Ce sont tous les ministres de ce pays qui, en silence, parfois en se bouchant le nez, et toujours avec lâcheté, gardent aujourd’hui la porte d’une salle où l’on torture. Et c’est là que l’on entend un Premier ministre, oublieux des valeurs les plus élémentaires, crier « Papa, Papa, je ne t’entends plus ». La ligne est coupée.